Sanctions disciplinaires ou simples remarques écrites : comment éviter les pièges juridiques et limiter les risques de contentieux ?

Sommaire

Lorsqu’un employeur reproche un comportement ou une faute à un salarié par écrit, il est important de distinguer si cette démarche constitue une sanction disciplinaire ou simplement un rappel à l’ordre.

Quels sont les critères à prendre en compte pour définir une sanction disciplinaire ?

Une sanction disciplinaire, est toutes mesures autres que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un comportement considéré comme fautif par celui-ci, visant à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Le règlement intérieur, qui est obligatoire dans les entreprises employant au moins 50 salariés, doit fixer la nature de l’échelle des différentes sanctions qui peuvent être prononcées à l’égard des salariés. Il prévoit la plupart du temps, notamment la possibilité de prononcer des blâmes ou des avertissements.

La qualification de sanction disciplinaire ne présente aucun problème lorsque l’écrit adressé au salarié comporte la mention « avertissement » ou « blâmes ». Mais nous pouvons retrouver des litiges, lorsque l’employeur adresse par écrit des reproches au salarié concernant l’exécution de son travail ou de son comportement au sein de l’entreprise, qui ne sont pas explicitement identifiés comme une sanction disciplinaire ou un avertissement.

C’est notamment le cas de l’envoi par l’employeur d’un simple courriel ou d’un SMS lequel peut dans certaines conditions constituer une sanction. Il n’est pas obligatoire de rédiger un courrier recommandé ou remettre en main propre la lettre qui stipule la sanction. D’après la loi, seules les observations orales ne peuvent pas être qualifiées de sanctions.

La jurisprudence quant à elle, qualifie de sanction un écrit de la part de l’employeur, quand il est notifié des reproches au salarié, l’invitant ou le mettant en demeure de changer son comportement sous peine de devoir prendre des sanctions plus importantes. Cependant,  elle met en évidence qu’une simple mise en garde demandant au salarié de modifier son comportement sans volonté de sanctionner immédiatement, ne constitue pas une sanction mais un rappel à l’ordre.

Exemple de rappel à l’ordre : Un courriel dans lequel l’employeur se contente de demander à un salarié de faire preuve de respect, de cesser son agressivité, d’éviter les jugements moraux ainsi que la diffusion de rumeurs et critiques envers la clientèle et les collègues, sans prendre de mesure disciplinaire, constitue tout au plus un rappel à l’ordre qui ne limite pas son pouvoir disciplinaire

Exemple de volonté de sanctionner : La Cour d’appel, après avoir constaté que le document rédigé par l’employeur n’était qu’un compte rendu d’entretien où il exposait plusieurs reproches et manquements attribués au salarié, sans intention de sanctionner, a jugé que ce document ne constituait pas une mesure disciplinaire et n’épuisait donc pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Quelle est l’importance de qualifier une sanction disciplinaire ?

Faire reconnaître des reproches écrits comme une sanction disciplinaire est souvent un argument invoqué par le salarié pour contester une sanction plus sévère, généralement un licenciement.

En effet, selon une jurisprudence bien établie, une même faute ne peut justifier deux mesures disciplinaires successives. Ainsi, un licenciement fondé sur les mêmes faits qu’un avertissement antérieur est considéré sans cause réelle et sérieuse. De plus, l’employeur ne peut pas annuler une sanction déjà notifiée pour en infliger une nouvelle sur les mêmes faits.

En définitive, si les faits ayant motivé une première sanction ont déjà été sanctionnés, toute sanction ultérieure est nulle, car injustifiée. 

Or, dans la pratique, les remarques écrites, notamment par courriel, sont couramment utilisées dans la communication professionnelle quotidienne. Il est fréquent qu’une sanction disciplinaire soit précédée de messages visant à améliorer l’exécution du travail, corriger des erreurs ou ajuster le comportement du salarié.

Cependant, ces écrits, lorsqu’ils sont envoyés sans intention de sanctionner dans un cadre professionnel, peuvent affaiblir un dossier de licenciement, s’ils sont interprétés par les juges du fond comme des sanctions préalables.

Comment éviter les risques de litiges lorsqu’une sanction disciplinaire est prononcée ?

La jurisprudence récente de la Cour de cassation invite à faire preuve d’une grande vigilance. En cas d’incertitude, il est conseillé aux employeurs de suivre ces recommandations :

  • Pour des fautes d’une gravité suffisante justifiant une sanction plus sévère qu’un avertissement, l’employeur doit privilégier le respect de la procédure disciplinaire : convocation à un entretien préalable et notification de la sanction par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge, en évitant tout autre écrit préalable.

 

  • Pour des fautes moins graves, si l’employeur souhaite adresser des reproches écrits ou une mise en garde afin d’inciter le salarié à modifier son comportement, mais que celui-ci persiste ou se répète, il doit mentionner ces faits nouveaux ou réitérés dans la lettre de notification de la sanction plus lourde (mise à pied, rétrogradation ou licenciement disciplinaire).

En effet, la persistance d’un comportement fautif permet à l’employeur d’invoquer des faits similaires, y compris ceux déjà sanctionnés, pour justifier un licenciement pour faute grave. Il en est de même lorsque des faits, déjà sanctionnés par un avertissement, continuent jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement.

Par ailleurs, des fautes nouvelles, même de nature différente de celles déjà sanctionnées, peuvent être prises en compte pour justifier un licenciement.

À noter : Aucune sanction antérieure à plus de trois ans ne peut être utilisée pour justifier ou aggraver une nouvelle sanction.

Références :

  • Cass. soc., 5 avr. 2023, n° 22-17.113
  • Cass. soc., 9 nov. 2010, n° 08-42.893
  • Cass. soc., 8 avr. 2016, n° 15-11.433
  • Cass. soc., 7 juin 2023, n° 22-19.313
  • Cass. soc., 13 mars 2019, n° 17-20.193
  • Cass. soc., 15 mars 2023, n° 22-14.465
  • Cass. soc., 20 janv. 2021, n° 20-13.833
  • Cass. soc., 10 mars 2021, n° 20-17.068
  • Cass. soc., 24 sept. 2015, n° 14-17.615
  • Cass. soc., 26 sept. 2013, n° 12-21.495
  • Cass. soc., 29 sept. 2000, n° 99-42.709
  • Cass. soc., 26 nov. 2003, n° 02-44.030
  • Cass. soc., 13 oct. 2021, n° 19-18.903
  • Cass. soc., 8 févr. 2023, n° 20-20.252
  • Cass. soc., 24 janv. 2008, n° 06-44.934
  • Cass. soc., 14 nov. 1997, n° 96-44.144

Ce qu'il faut retenir !

  • Définition et nature des sanctions disciplinaires : il faut faire une distinction entre les messages écrits qui visent à reprocher le comportement fautif du salarié qui en l’occurrence peut être une sanction disciplinaire et les rappels à l’ordre qui n’en sont pas une. 
  • Effets des actes non qualifiés de sanction : un simple rappel à l’ordre ou une demande de justification n’exclut pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Tant que la volonté de sanctionner n’est pas explicitement exprimée, l’employeur conserve la possibilité de prendre une sanction ultérieure.
  • Interdiction de la double sanction : une faute ne peut pas donner lieu à deux sanctions distinctes. Si une première sanction a déjà été infligée, l’employeur ne peut pas revenir sur sa décision pour en prononcer une autre plus sévère.
  • Portée et justification des lettres de reproche : les lettres de reproche ou d’avertissement sont analysées pour déterminer si elles constituent ou non une sanction disciplinaire.

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