La modification du lieu de travail

Sommaire

Face à un changement de lieu de travail et en l’absence de mobilité prévue par une clause du contrat de travail ou par accord collectif, la jurisprudence a développé le critère du « secteur géographique » pour déterminer l’existence ou non d’une modification du contrat de travail.

C’est donc uniquement lorsque le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent du précédent que le changement constitue une modification du contrat de travail, qui nécessite donc l’accord du salarié.

Mais qu’est-ce qu’un “même secteur géographique” ?

La notion de secteur géographique

En l’absence de clauses contractuelles ou conventionnelles définissant le lieu de travail, ainsi que de clauses de mobilité, et à condition que la nature du poste n’implique pas une mobilité géographique inhérente ou exceptionnelle, c’est le changement de « secteur géographique », un concept établi par la Cour de cassation en décembre 1998, qui constitue le critère déterminant pour déterminer une modification contractuelle.

Bien que la Cour de cassation ait introduit le concept de « secteur géographique », elle n’en a pas donné de définition précise, exigeant simplement que son identification se base sur des éléments objectifs.

Ainsi, la définition du secteur géographique relève de l’appréciation souveraine des juges.

Secteur géographique : Qu’est-ce qu’un critère objectif ? 

La jurisprudence exige que l’appréciation du secteur géographique repose sur des critères objectifs. Parmi les critères souvent retenus par la jurisprudence figurent notamment : 

  • La région, zone urbaine, bassin d’emploi, couronne urbaine
  • La distance entre la nouvelle et l’ancienne affectation
  • Le réseau routier et les conditions de circulation 
  • Les facilités de transport

Lorsque la nouvelle affectation du salarié se situe dans le même secteur géographique que son précédent lieu de travail, il s’agit simplement d’un changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur.

Le refus d’un salarié de changer de lieu de travail au sein du même secteur géographique peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cependant, si ce refus rend le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, il ne constitue pas en lui-même une faute grave.

Il est important de préciser que, même dans cette situation, l’employeur doit veiller à justifier sa décision quant à l’impact qu’elle pourrait avoir sur la situation personnelle et familiale du salarié.

En cas de demande du salarié, c’est aux juges du fond qu’il reviendra d’examiner si la décision de nouvelle affectation affecte les droits du salarié à la santé, au repos et à une vie personnelle et familiale, et si cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

Prise en compte du réseau de transports en commun et des possibilités de covoiturage

Dans l’arrêt du 24 janvier 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce en fonction d’éléments nouveaux.

Dans cette affaire, une salariée avait été informée que son lieu de travail devait être transféré à 35 kilomètres de l’ancien site, au sein d’un même département. 

A la suite de son refus d’intégrer ce nouveau lieu, elle a été licenciée pour faute grave.

Le licenciement est considéré comme abusif par les cours d’appel et de cassation qui estiment que les deux lieux ne faisaient pas partie du même secteur géographique, en s’appuyant notamment sur la question des moyens de transport.

La Cour de cassation avait alors relevé que les deux localités n’étaient pas situées dans le même bassin d’emploi et qu’au vu des horaires de travail, il était manifeste que le covoiturage était difficile à mettre en place. En outre, l’employeur ne produisait aucune pièce permettant de démontrer que les transports en commun étaient facilement accessibles entre les deux communes aux horaires de travail de la salariée.

Réseau de transport

De nouveaux critères d’appréciation : La fatigue et les frais engendrés par l’utilisation du véhicule personnel  

Alors même que le nouveau lieu de travail n’était situé qu’à 36 minutes en voiture, la chambre sociale retient que les difficultés à mettre en place le covoiturage associées à la fatigue et le surcoût que représente l’usage du véhicule personnel, en raison des horaires de la salariée et de la distance, génèrent des contraintes supplémentaires qui modifient les termes du contrat.

L’ensemble de ces éléments conduit donc la chambre sociale de la Cour de cassation à considérer, à l’instar des juges du fond, qu’il s’agissait d’une modification du contrat de travail.

L’employeur avait donc commis une faute contractuelle en imposant un nouveau lieu de travail à la salariée et ne pouvait lui reprocher son refus de l’intégrer.

Avec ce nouveau critère lié aux contraintes financières résultant du nouveau lieu de travail, la chambre sociale de la Cour de cassation indique qu’il peut être tenu compte des incidences financières pour le salarié. Mais comment mesurer ce critère en toute objectivité ? Les prochains arrêts en la matière apporteront sans doute des éléments de réponse. »

En résumé

Arrêt du 24 janvier 2024 (pourvoi n° 22-19.752)

  • L’employeur doit démontrer la facilité d’accès en transports en commun entre les deux lieux …
  • …car l’usage du véhicule personnel générant « des contraintes supplémentaires modifieraient les termes du contrat »

Sources : 

  • Cass. soc., 24 janv. 2024, n° 22-19.752

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