Prime exceptionnelle versée régulièrement durant plusieurs années : attention à la contractualisation !

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Une prime exceptionnelle est un montant d’argent versé par l’employeur à un salarié de manière ponctuelle et non régulière, souvent pour récompenser une performance particulière, un événement spécifique ou une contribution exceptionnelle.

Contrairement aux primes récurrentes intégrées au contrat de travail, les primes exceptionnelles ne sont pas prévues de manière systématique et ne sont pas intégrées au salaire de base du salarié.

Néanmoins, qu’en est-il lorsqu’un salarié perçoit pendant plusieurs années une prime mensuelle dont le montant ne variait que légèrement, mais qui connaît une chute drastique ensuite ?

Le salarié peut-il considérer que la prime a été contractualisée lors des premières années et réclamer le maintien de son montant initial ?

Une prime versée mensuellement d'un montant quasiment indentique

Dans cette affaire, un salarié réclamait en justice, dans le cadre d’une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail, le paiement d’un rappel de prime dite « exceptionnelle ».

Cette prime, non prévue par le contrat de travail, avait été versée mensuellement pendant toute la durée du contrat. Son montant variait entre 900 et 1 000 € de 2012 à février 2016, puis avait chuté à partir de mars 2016 pour atteindre 56,52 € en 2018.

Le salarié estimait que l’employeur ne pouvait pas réduire ainsi le montant de cette prime, car son versement régulier pendant plusieurs années avait conduit à sa contractualisation, rendant toute modification impossible sans son accord.

L’employeur, en revanche, contestait cette contractualisation, affirmant que les variations de la prime étaient simplement liées au chiffre d’affaires du magasin et aux résultats du vendeur.

Usage ou contractualisation de la prime : La Cour de cassation adopte un angle différent

La Cour d’appel et la notion d’usage

La cour d’appel avait rejeté la demande du salarié en se basant sur le concept d’usage. Elle a estimé que le salarié n’avait pas prouvé le caractère général, fixe et constant de la prime.

Les critères de l’usage sont bien connus : un avantage accordé par l’employeur, sans engagement écrit, devient obligatoire dès qu’il respecte la constance (accordé pendant un certain temps), la généralité (bénéficiant à tous les salariés ou à une catégorie précise) et la fixité (obéissant à des règles précises).

Cependant, cette analyse n’était pas la plus appropriée, notamment parce que la prime ne semblait pas répondre au critère de généralité. C’est pourquoi le salarié a écarté la notion d’usage pour se tourner vers la contractualisation, arguant que le versement régulier de la prime en avait fait un élément contractuel, non modifiable unilatéralement par l’employeur.

La Cour de cassation réoriente le débat

La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun et peut être établi sous des formes variées (c. trav. art. L. 1221-1). Ainsi, une contractualisation peut survenir sans écrit formel. C’est le cas, par exemple, d’un employeur qui verse une prime de façon continue pendant plus de 7 ans, lequel ne peut en arrêter le versement sous prétexte d’une erreur : dans ce cas, la prime est considérée comme contractualisée (cass. soc. 13 décembre 2023, n° 21-25501 FD).

Dans l’affaire en question, la Cour de cassation constate que les juges du fond n’ont pas vérifié si la prime, versée régulièrement pendant plusieurs années, n’était pas devenue un élément de rémunération contractualisé. La réduction de son montant aurait alors nécessité l’accord du salarié.

En conclusion, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel pour avoir analysé les faits sous l’angle de l’usage au lieu de la contractualisation. Les juges semblent indiquer que, vu les éléments rapportés, la prime versée chaque mois pour un montant presque identique d’un mois à l’autre, est probablement contractualisée.

L’affaire sera donc rejugée pour clarifier cette question.

Source : 

  • Cass. soc. 22 mai 2024, n° 23-10076

En résumé :

Une prime versée régulièrement durant plusieurs années, dont le montant est quasiment identique chaque mois constitue un élément de rémunération contractualisé. La réduction de la prime en-deçà des sommes habituellement versées nécessite alors l’accord du salarié.

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